André Villas-Boas, président du FC Porto. Crédit image : TVI Noticias |
Le FC Porto a récemment multiplié les annonces financières d'envergure, marquant une étape importante dans sa stratégie de restructuration économique. Entre une offre publique d'obligations destinée aux petits investisseurs et une émission privée ciblant des institutions américaines, le club semble déterminé à affronter ses défis structurels tout en assurant sa pérennité. Pourtant, ces initiatives, bien qu'ambitieuses, soulèvent des questions cruciales quant à leur viabilité et leur impact sur le futur du club.
Deux initiatives financières complémentaires
Le FC Porto a mis en place deux opérations de financement stratégiques pour améliorer sa situation financière. La première, menée via sa filiale Dragon Notes S.A., consiste en une émission obligataire privée d'un montant de 115 millions d'euros sur une durée de 25 ans, auprès d'investisseurs institutionnels américains. Ces obligations, à un taux fixe de 5,62 %, présentent une maturité moyenne pondérée de 16 ans et demie, et prévoient une période de grâce de trois ans où seuls les intérêts seront payés, suivie d'un remboursement progressif de capital et d'intérêts entre 2028 et 2049.
La seule principale garantie pour ces obligations repose sur les dividendes futurs générés par Porto Stadco, la filiale gérant le stade du Dragão. Ce mécanisme, qui inclut aucune garantie tangible, comme une hypothèque sur le stade ou les droits des joueurs, expose l'opération à des risques importants en cas de baisse des revenus générés par cette filiale.
Simultanément, le club a lancé une émission obligataire publique, nommée « FC Porto SAD 2024-2027 », visant à lever 30 millions d'euros à un taux brut annuel de 5,25 %. Cette émission permet d'impliquer les petits investisseurs, notamment les supporters du club, en proposant une souscription minimale de 2 500 euros, facilitant ainsi l'accès à une base élargie d'investisseurs privés. Cela constitue une tentative de diversification des sources de financement tout en renforçant l'engagement émotionnel des fans envers le club.
Une situation financière sous tension
Ces levées de fonds interviennent dans un contexte financier délicat. Selon les derniers chiffres disponibles, au 30 juin 2024, le FC Porto présente un déficit de capitaux propres de -230,6 millions d'euros, un chiffre inquiétant qui place le club en dehors des critères de solvabilité définis par le Code des Sociétés Commerciales portugaises. En d'autres termes, les dettes du club sont largement supérieures aux actifs. Cette situation de surendettement met en lumière la fragilité financière du club et l'urgence de trouver des solutions pour assurer sa viabilité à long terme.
L'objectif principal de ces opérations est donc de refinancer une partie de la dette existante, notamment en allongeant les échéances de remboursement et en réduisant son coût moyen. Cette stratégie pourrait permettre au club de négocier plus favorablement avec ses créanciers, ses fournisseurs et ses agents, comme l'a souligné le président André Villas-Boas. Toutefois, ce recours à de nouvelles dettes pour rembourser les anciennes demeure une approche risquée. Le FC Porto se trouve dans une situation où une partie de la dette actuelle est refinancée par de nouvelles obligations, augmentant ainsi l'exposition à des risques sir les revenus futurs ne sont pas à la hauteur des attentes.
Porto Stadco, le pilier des opérations
Au cœur de ces opérations se trouve Porto Stadco, la filiale responsable de l'exploitation commerciale du stade du Dragão, qui génère des revenus à partir de la billetterie, des événements sportifs, des concerts et autres événements privés. Cette entité détient 70 % des droits économiques associés à Dragon Notes S.A., les obligations étant garanties par les dividendes futurs que Porto Stadco devrait générer. Le modèle repose sur l'hypothèse que cette filiale sera en mesure de maintenir une rentabilité stable pendant les 25 prochaines années, une perspective incertaine influencée par la performance sportive du club, qui impacte directement l'attractivité du stade pour les supporters et les sponsors.
L'absence de garanties tangibles offre au FC Porto une plus grande flexibilité dans ces opérations, toutefois elle n'exclut pas les risques pour les investisseurs. Si les revenus futurs générés s'avèrent insuffisants, ces derniers ne disposeront d'aucun recours direct sur des actifs tangibles du club. De plus, l'implication d'Ithaka Partners, qui détient les 30 % restants de Porto Stadco, ajoute une complexité supplémentaires.
Bien que cette structure de gouvernance partagée ait permis l'émission des obligations, elle pourrait limiter les marges de manœuvre du FC Porto en cas de divergences stratégiques avec Ithaka. Cette dépendance à Porto Stadco constitue donc à la fois une opportunité (en maximisant l'exploitation du stade) et un défi majeur pour la stabilité financière du club.
Un pari sur l'avenir
Les dirigeants du FC Porto défendent ces initiatives comme des leviers pour renforcer la compétitivité du club tout en assurant une gestion financière plus moderne et durable. La notation BBB Low attribuée par DBRS témoigne d'une certaine confiance dans la solidité du modèle économique du club, malgré la situation de surendettement. Néanmoins, ces initiatives reposent sur des hypothèses optimistes : la croissance continue des revenus sportifs (billetterie, droits TV, transferts de joueurs) et une exploitation optimale du stade.
Tout échec à atteindre ces objectifs, que ce soit en raison de contre-performances sportives ou de facteurs économiques défavorables, pourrait fragiliser ce modèle. Le FC Porto parie sur ces levées de fonds pour restructurer ses dettes et investir dans son avenir, mais le défi reste colossal : transformer cette stratégie en un modèle financier durable, à la hauteur de ses ambitions sportives et commerciales.
En somme, ces initiatives financières, bien que soigneusement structurées, s'inscrivent dans une logique de gestion des risques à long terme, et leur succès dépendra fortement de la capacité du club à générer des revenus stables et croissants, tant sur le plan sportif que commercial.
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