Adam Silver, président de la NBA. Crédit image : Blazers Edge |
Depuis l'attribution de ses droits télévisuels pour le nouveau cycle décennal débutant la saison prochaine, la National Basketball Association (NBA) est au coeur d'une bataille juridique avec Warner Bros Discovery (WBD) et sa chaîne TBS. Une lutte qui pourrait marquer la fin d'un partenariat historique de 35 ans. Ce conflit a émergé depuis que la NBA a décidé de ne pas renouveler son contrat de diffusion avec WBD et TBS, optant plutôt pour de nouveaux accords massifs avec Amazon Prime Video, Disney (ABC/ESPN) et NBCUniversal (NBC/Peacock). Ces nouveaux accords d'une valeur totale de 76,9 milliards de dollars sur 11 ans, entreront en vigueur à partir de la saison 2025/2026.
Les origines du conflit
Depuis 1989, TBS et sa chaîne sœur TNT ont été les partenaires médiatiques clés de la NBA, diffusant des matchs emblématiques et contribuant à populariser la ligue à travers les États-Unis et au-delà . Cependant, en 2023, la NBA a entamé des négociations pour renouveler ses droits de diffusion, attirant l'attention de plusieurs géants du streaming et des médias traditionnels.
En fin de compte, la ligue a choisi de conclure de nouveaux accords avec Amazon, Disney, et NBC, marquant une rupture avec son partenaire historique. WBD et TBS, insistant sur le fait qu'ils avaient le droit d'égaler toute offre concurrente grâce à une clause de préemption incluse dans leur contrat de 2014, ont intenté une action en justice contre la NBA. Cette clause leur aurait permis de continuer à diffuser les matchs en égalant les termes offerts par Amazon.
Les arguments de la NBA
Dans sa réponse juridique, la ligue de basket a fermement contesté les allégations de WBD et TBS, arguant que leur tentative de correspondre à l'offre d'Amazon était insuffisante et juridiquement infondée. La NBA a déposé une demande de rejet de la plainte auprès du tribunal de New York, avançant plusieurs arguments majeurs pour justifier sa position.
Différences fondamentales dans la méthode de diffusion
L'un des principaux points de divergence concerne la méthode diffusion. L'offre d'Amazon repose entièrement sur le streaming, une technologie qui a radicalement transformé la manière dont le contenu est consommé, surtout chez les jeunes générations. Amazon Prime Video, en tant que plateforme de streaming, propose une expérience à la demande, contrairement à la télévision linéaire traditionnelle où les programmes sont diffusés à des horaires spécifiques.
Le contrat de 2014 entre TBS et la NBA, qui régit les droits de diffusion actuels, n'inclut pas la possibilité pour TBS de diffuser des matchs sur internet. En d'autres termes, ce contrat était exclusivement limité à la télévision câblée linéaire via la chaîne TNT. La NBA soutient donc que TBS ne pouvait pas, en vertu de ce contrat, prétendre égaler une offre qui repose entièrement sur le streaming, comme celle d'Amazon.
Modification des termes de l'offre
La NBA affirme également que même si TBS avait été en mesure d'égaler l'offre d'Amazon, leur tentative de le faire a échoué en raison des modifications importantes qu'ils ont apportées aux termes de l'offre. Selon la ligue, TBS n'a pas simplement égalé l'offre d'Amazon mais l'a réécrite pour l'adapter à ses propres intérêts.
Par exemple, alors qu'Amazon a accepté de créer un compte séquestre contenant trois années de droits de diffusion, garantissant ainsi des paiements à la NBA de manière automatique et sécurisée, TBS a proposé une alternative moins sûre. Au lieu de cela la chaîne a offert des lettres de crédit syndiquées, accessibles uniquement en cas de retard de paiement, ce qui introduirait un risque de retard dans les paiement et une moindre sécurité financière pour la ligue.
En modifiant ces termes clés, TBS a, selon la NBA, transformé l'offre d'Amazon en quelque chose de fondamentalement différent, ce qui ne constitue plus une "correspondance" mais une nouvelle offre. Cette révision inclut également la modification de huit des 27 sections du contrat proposé, la suppression d'environ 300 mots, et l'ajout de 270 nouveaux termes, ce qui, selon la ligue, ne peut être considéré comme une simple égalisation.
Une réécriture de l'offre, pas une égalisation
En conséquence, la NBA maintient que ce que TBS a fait n'est pas une égalisation, mais une réécriture de l'offre d'Amazon. Une telle action, selon la ligue, ne respecte pas les termes de la clause de préemption, qui exige une correspondance exacte des conditions. Pour la NBA, TBS a non seulement échoué à égaler l'offre, mais a également tenté de créer un nouveau contrat que ni Amazon ni la NBA n'accepteraient.
La réponse de Warner Bros Discovery
De leur côté, WBD et TBS réfutent les arguments de la ligue, affirmant que la différence entre le streaming et la télévision linéaire n'est pas aussi nette que la NBA le prétend. Selon eux, une grande partie des contenus diffusés sur Amazon Prime Video, environ 70 %, est regardée sur des téléviseurs via des connexions Internet, ce qui réduit la distinction entre les deux modes de diffusion.
Ils soutiennent également que TNT et Max, leurs propres plateformes, sont également distribuées via Internet, et qu'il n'y a donc pas de différence significative avec Amazon en termes de technologie de diffusion. En conséquence, WBD et TBS affirment qu'ils ont effectivement égalé l'offre d'Amazon, respectant ainsi leur droits de préemption.
Les enjeux pour WBD
La perte des droits de diffusion des matchs de la NBA serait un coup dur pour WBD. Ces matchs sont une source majeure d'audience direct, un atout précieux à l'heure où le streaming et la vidéo à la demande dominent le paysage médiatique. Ces diffusions en direct sont particulièrement prisées par les annonceurs et les distributeurs de câble, car elles attirent des téléspectateurs en temps réel, un public de plus en plus rare.
En anticipation de cette perte, WBD a déjà pris des mesures pour diversifier son portefeuille sportif. La société a récemment acquis les droits de diffusion de Roland Garros et de plusieurs événements sportifs universitaires, espérant ainsi compenser la perte des matchs de la NBA. Cependant, de nombreux analystes, comme Robert Fishman du cabinet MoffettNathanson, sont sceptiques quant à la capacité de WBD à remplacer la valeur des droits NBA, même avec ces nouvelles acquisition.
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En effet, Warner Bros Discovery a récemment enregistré une dépréciation massive de 9,1 milliards de dollars sur son portefeuille de chaînes câblées, citant la perte imminente des droits de la NBA comme l'une des principales raisons. Cette situation souligne l'importance cruciale de la compétition pour le modèle économique de WBD
Les perspectives
Le tribunal de New York doit maintenant décider si la demande de rejet de la NBA est justifiée. Si le tribunal accepte cette demande, cela marquerait la fin du partenariat de longue date entre TBS et la NBA, ouvrant la voie à une nouvelle ère où Amazon et ses nouveaux partenaires médiatiques joueront un rôle centrale dans la diffusion des matchs de la NBA.
En outre, cette affaire met en lumière les défis croissants auxquels sont confrontés les réseaux de télévision traditionnelle face à l'ascension des plateformes de streaming. La capacité des entreprises médiatiques à s'adapter à ces changements technologiques, tout en respectant des accords contractuels complexes sera cruciale pour leur succès futur dans l'industrie du sport.
Dans tous les cas, cette bataille juridique servira de précédent important pour les futurs conflits concernant les droits de diffusion dans le domaine du sport, particulièrement à une époque où le streaming prend une place de plus en plus prépondérante dans la consommation de contenu. Pour l'instant, la NBA reste confiante dans la solidité de ses arguments, tandis que WBD et TBS continuent de défendre leur position avec acharnement, déterminés à maintenir leur partenariat historique avec l'une des ligues sportives les plus populaires au monde.
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